La poésie dans la voix : transmission orale et mémoire poétique

Madame Dassonville regarde au loin vers le Cap d'Antibes, photogr. H. Dassonville, 1917ca, licence Etalab

A l’occasion du Printemps des poètes, la médiathèque de la MMSH met à la disposition des lecteurs et des lectrices non seulement une série de recueils de poèmes bilingues, mais aussi une sélection de documents sonores conservés dans la phonothèque du secteur archives de la recherche. Les enregistrements rassemblés ici ont été réalisés par des chercheur·e·s issu·e·s de disciplines différentes, à des moments historiques et dans des zones géographiques hétérogènes, ils témoignent tous d’une mémoire culturelle poétique qui trouve ses racines dans la vie même des personnes qui les récitent.

Les voix enregistrées lisent, récitent ou parlent de textes populaires ou savants, appris à des moments particuliers de la vie des témoins, souvent transmis oralement par des personnes de la famille ou de leur communauté, dont les paroles contiennent des références continues à des éléments culturels et historiques de leurs territoires d’origine. 

En écoutant ces documents sonores vous expérimentez une autre manière d’entrer dans la dimension poétique, en vous laissant guider par le grain de la voix, le dialecte, le son qui entoure les locuteurs, vers un espace ancien et intime de la mémoire littéraire, à travers les silences ou les suspensions… vous devenez temporairement les héritiers de ce patrimoine culturel. 

Marceau Gast Fonds – territoire de l’ Ahaggar – L’ ermitage de Charles de Foucauld à Assekrem – Photographie de Marceau Gast, Assekrem, Algeria. 1956. 
CC-BY-NC-ND ⟨hal-03481657⟩

La première voix est celle de Brahim Ag Idder de la tribu des Aït Loaïen enregistrée au début des années 1960 par Marceau Gast (1927-2010) dans la région de l’Ahaggar. L’informateur enregistre ici une série de poèmes appartenant à son répertoire personnel en tamashek (pour en savoir plus…).

Marceau Gast Fonds – Ahaggar – Nourrir la communauté d’Ahaggar – Deux Touaregs déjeunent sous une tente près de Tamanrasset, en Algérie. 1952, photographie de Marceau Gast, CC-BY-NC-ND ⟨hal-02523181⟩

Le second est un poème récité par un forgeron d’In Gall, au Niger, enregistré par les chercheurs Suzanne (1928-1990) et Edmond Bernus (1929-2004) le 12 décembre 1978.

Le corpus comprend des poèmes (tesawits), des chansons, de la musique, des contes, des proverbes et des devinettes recueillis dans les camps touaregs des années 1960 au début des années 1980. Les enregistrements sont principalement en tamasheq. D’après les inscriptions sur l’emballage de la bande, il s’agit d’un poème de Badiden et de son fils Mohamed (en savoir plus…).

Marceau Gast a également mené des recherches dans les campagnes yéménites entre 1970 et 1980. Voici la lecture et la traduction d’un poème d’amour yéménite faites au cours d’une conversation entre trois chercheurs français – Dominique Champault, Jean Lambert et Marceau Gast – le 1er août 1981. L’un d’entre eux lit et traduit un poème d’amour en langue arabe écrit par un contemporain au Yémen. (en savoir plus…)

Marceau Gast Fonds – territoire de l’ Ahaggar – Peinture rupestre – Photographie de Marceau Gast Hoggar, Algeria, 1961. CC-BY-NC-ND ⟨hal-03481899⟩

Dans le même corpus de recherches menées dans le Yémen rural par Marceau Gast, se trouve également un enregistrement réalisé le 20 octobre 1976 à Amrān (Yémen). Ecoutez cette poésie nationaliste en l’honneur du peuple yéménite récitée par un enfant pour qu’il se souvienne de son histoire et de la gloire de son passé antique (royaumes de Sabaa et d’Himyar). La langue est dans un dialecte rural yéménite de la région d’Amran. (pour en savoir plus…)

Fonds Fatima Al-Baydani-Alzawiya – Au bord de la route, une productrice et vendeuse de kadhi (variété Pandanus) vend son produit aux voyageurs qui passent dans les voitures – Photographie de Fatima Al-Baydani-Alzawiya. Tihamah, Yemen. 2008. CC-BY-NC-ND ⟨medihal-01487860⟩

La dimension politique est également évoquée dans un poème recueilli le 25 mai 1975 à Sainte-Cécile-d’Andorge, par Jean-Noël Pelen lors de ses recherches dans les Cévennes entre 1973 et 1989. Ecoutez Gabriel Teissier réciter des poèmes qu’il a écrit sur la vie politique en Cévennes. (en savoir plus…)

Les paysages évoqués dans l’enregistrement suivant sont ceux de la Provence, rappelés par la voix d’une femme qui raconte quatre histoires en vers sur la beauté de la région, les paysages autour du Mont Ventoux, et parle de jeunes gens qu’elle a rencontrés dans son propre village. Ces poésies appartiennent à un corpus d’enquêtes intitulé « Permanence et mutations de la tradition orale en Provence », qui a été réalisé par Jean-Louis Ramel entre le 1974 et 1995. (en savoir plus..)

Fonds Annie-Hélène Dufour – Espaces en Provence : Cabanon des Champs à La Motte-d’Aigues dans le département du Vaucluse, France. 1996 – Photographie de Annie-Hélène Dufour. CC-BY-NC-ND ⟨medihal-01095442⟩

Ce poème sur la Tour de Constance a été enregistré par le chercheur Pierre Laurence le 21 juillet 1997 à Florac. Celle qui le récite l’a appris de sa mère.  Cet enregistrement appartient à une série d’entretiens réalisés entre 1996-1998 qui traite de l’unité de la mémoire culturelle, mémoire relative à un territoire – les Cévennes –, aux communautés et aux peuples qui l’habitent ou l’ont habité, à leur histoire, à leurs relations entre eux et avec le monde extérieur. (pour en savoir plus...)

D’autres poèmes recueillis par Pierre Laurence, reviennent sur l’amour porté aux Cévennes. Le premier a été enregistré à Saint-Germain-de-Calberte. Le témoin, auteur de poèmes en occitan, livre de nombreux éléments de la culture orale cévenole. (en savoir plus..)

Le second, une poésie sur Gargantua, a été transmis à l’informatrice par son beau-père, maquignon à Florac, qui le connaissait par la Lozère. Il a été enregistré le 21 novembre 1996 à Barre-des-Cévennes. (en savoir plus…)

Plus au Sud, dans les Alpes Maritimes, le poème « Li Julis », écrit et récité par Zéphirin Castellon à Belvédère, est un exemple de création poétique de cet instrumentiste, sonneur de cloches, chanteur, musicien, poète – et gardien de prison. Il a été enregistré le 27 juillet 1989 à Bélvedere et fait partie du corpus « Répertoire en Vésubie autour de Zéphirin Castellon ». (pour en savoir plus…)

Les poèmes suivants sont récités par Ailhaud Hubert et appartiennent à des souvenirs qui remontent à son enfance, avant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il a appris ces vers à l’école dans la Vallée du Jabron (enregistrement de Jean-Pierre Joly).

(en savoir plus…)

Fonds Annie-Hélène Dufour – Espaces en Provence : Vue sur le lieu-dit : Les Celliers sur la commune de Saint-André-d’Embrun dans le département des Hautes-Alpes, France, 1991 – Photographie de Annie-Hélène Dufour. CC-BY-NC-ND ⟨medihal-01095486⟩

Pour terminer, voilà quelques vers qui se disaient entre fiancés et qui évoquent le don d’une orange (ou pomme) comme cadeau. La voix de cette femme cévenole enregistrée par Pierre Laurence le 21 novembre 1996 à Barre-des-Cévennes, nous transporte dans un monde où l’occitan était encore la langue de tous les jours. (pour en savoir plus…)

Chiara Mirta Buono, Università la Sapienza, Master 2, ethnomusicologie.

5 commentaires

  1. J’ai surfé en ligne plus de trois heures aujourd’hui, mais je n’ai jamais trouvé d’article intéressant comme le vôtre. Cela vaut assez pour moi. À mon avis, si tous les propriétaires de sites Web et blogueurs créaient du bon contenu comme vous l’avez fait, le internet serait beaucoup plus utile que jamais.

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